Les réseaux sociaux et les média regorgent d’injonctions : profitez de l’instant, faites du sport, cultivez-vous, lisez, méditez, réfléchissez sur vous-même, prenez des décisions…

Certains, bien sûr, mettront à profit ce temps pour avancer, pour construire et c’est tant mieux. Mais comment faire quand profiter de l’instant se résume à fermer les yeux, soit pour s’endormir épuisé parce qu’on a passé la journée à télétravailler et à s’occuper des enfants, soit pour voir affluer des questions et des pensées que nous avons du mal à calmer? Comment faire quand on n’a pas la disponibilité d’esprit, pas l’énergie pour répondre à toutes ces nouvelles sollicitations?

Est-ce normal d’ailleurs de ne pas en avoir envie? De ne pas arriver à travailler ou à créer? De ne pas pouvoir se concentrer? De se sentir dans un moment irréel?

Et bien oui, c’est normal. La perte brusque de nos repères peut nous conduire à une certaine forme d’abattement ou de sidération qui nous donne un sentiment d’irréalité. Pendant les 15 premiers jours, j’avais personnellement la capacité d’attention d’un enfant de maternelle… 15 minutes d’affilées grand maximum! Je me sentais en hyper vigilance, j’avais la sensation de vivre en suspension, hors du temps et, j’avoue que les contingences de mon quotidien ne me faisaient pas très envie… Sans parler de méditer ou de lire Proust!

Alors que faire? L’idée n’est évidemment pas de se laisser dériver au risque d’avoir du mal à reprendre pied quand viendra l’après. L’idée, c’est d’arriver à apprivoiser ce changement et à vivre ce moment du mieux que nous pouvons sans ajouter de la culpabilité à nos angoisses. Voilà ce que j’ai mis en place pour moi, vous trouverez certainement d’autres idées…

 

 

Me créer un rythme (sur un tempo lent…)

 

Parce qu’il a peur du vide, l’humain a besoin de structure. Quand nous nous retrouvons dans une situation où aucune structure de temps ne nous est imposée, la première chose que nous faisons en général, c’est d’en recréer une naturellement. Et c’est exactement ce qui nous arrive ici. Nos repères habituels ont disparu et nous nous retrouvons livrés à nous-même et au vide. Créer de nouveaux repères peut nous permettre de vivre notre quotidien plus sereinement, de diminuer l’inquiétude liée au vide et de garder un pied dans le réel malgré la singularité du moment.

Bien entendu structurer son temps ne veut pas forcément dire s’imposer un agenda de ministre! Mais plutôt profiter du moment pour trouver son propre rythme. Même si les injonctions auxquelles nous sommes quotidiennement soumis nous donnent l’impression que nous devons absolument utiliser notre temps pour faire quelque chose et que la tentation est grande de vouloir combler le vide, nous n’y sommes en rien obligés. La période actuelle nous oblige à sortir du mode automatique auquel nous sommes habitués. Nous pourrions en profiter pour ponctuer notre temps plutôt que de le remplir et ainsi nous laisser la possibilité de profiter des intervalles de vide pour nous retrouver nous-même… Ou pas. A chacun de faire selon ses besoins et ses possibilités.

Pour ma part, créer un rythme, cela veut dire respecter des horaires. Pas pour tout évidemment mais pour les grandes étapes de ma journée. Si je devais faire une liste de ce que j’ai mis en place ça donnerait : me lever à peu prêt tous les jours à la même heure, faire du sport pendant 30 minutes au moins, faire la cuisine et manger si possible à heure plus ou moins fixe, m’habiller même quand je ne dois pas sortir ou travailler, prendre le thé à 17 heures et me laisser totalement aller le week-end! Ah et oui… Essayer de garder en tête que nous avons encore des week-ends!

 

 

Me donner des objectifs (oui, faire la vaisselle est bien un objectif…)

 

Se fixer des objectifs, c’est génial… Les atteindre augmente l’estime de soi, nous procure de la joie et nous donne une sensation d’accomplissement. Sans parler du sentiment de contrôle qui en ces temps incertains peut être un soulagement. Bref les objectifs c’est parfait… Quand ils sont réalistes et adaptés! Sinon ça aurait plutôt l’effet inverse.

Soyons pragmatiques, ce n’est pas forcément aujourd’hui que nous arrêterons de fumer, que nous trierons l’intégralité de nos papiers ou que nous perdrons 5kg. La période est déjà suffisamment stressante sans avoir besoin de nous rajouter des contraintes ou de nous faire culpabiliser. L’idée c’est plutôt de nous mettre dans une énergie positive, sans pression, en nous attaquant à des choses sur lesquelles nous avons un réel pouvoir d’action.

Après un rapide sondage, des objectifs réalistes, ça pourrait donner ça : marcher au moins 1/2 heure tous les jours, regarder trois épisodes de ma série préférée au lieu de quatre, me bloquer une heure pour travailler efficacement sans être dérangée, faire la vaisselle, jouer avec le plus petit au mémory, finir le chapitre commencé il y a 3 jours, arriver à prendre 10 minutes pour moi, réduire l’apéro d’un verre de vin, me coucher 1/4 d’heure plus tôt… Bref des petits pas! Et si l’on n’y arrive pas aujourd’hui, on s’y remettra demain, après tout nous avons le temps…

Dans mon cas, c’est me tenir au courant de l’actualité, malgré mon envie de mettre la tête dans le sable, mais pas plus de 30 minutes par jour histoire de ne pas me laisser envahir par le climat anxiogène non plus, m’accorder des moments sans réseau (j’ai commencé par 30 minutes, ce sera déjà ça de gagné…), aller marcher tous les jours, démarrer une série d’articles sur le confinement (Check!), me défouler en dansant dès que ça me prend et ranger ma chambre. Je suis loin d’avoir tout réussi et tant mieux, j’ai décidé de ne me mettre aucune pression et de faire les choses quand j’en ai envie…

 

 

Me foutre la paix (Ça n’a pas l’air comme ça mais en vrai c’est tout à fait compatible avec les deux premiers…)

 

Le nombre d’injonctions destinées à nous calmer/améliorer/rendre plus heureux/plus optimistes et qui ne font que nous mettre une pression encore plus grande atteint un niveau incroyable en ces temps de confinement! Alors que justement, nous pourrions profiter de tout ça pour nous foutre un peu la paix…

Qu’est-ce que ça veut dire se foutre la paix? Ca veut d’abord dire relâcher la pression que nous nous mettons quotidiennement en nous autorisant à nous laisser aller. Concrètement, nous avons tous l’impression que si nous ne nous surveillons pas constamment, nous sombrerons dans un abime de paresse… Or malgré ce que nous avons appris depuis notre enfance, ça ne fonctionne pas comme ça. En nous faisant confiance, en étant bienveillant dans la manière dont nous nous traitons, en évitant les “il faut que” (je médite, je lise, j’apprenne le finnois au choix…) et les “je dois” (être un parent parfait, gentille, efficace, perdre du poids, faire du sport… là encore c’est au choix du client), nous nous donnons la permission d’être juste nous-même. Et il s’avère que, dans la plupart des cas, nous-même est plutôt une chouette personne, responsable et tout à fait capable de répondre à temps et avec justesse aux situations qui se présentent…

D’autre part, soyons réalistes, l’humain a quelques soucis avec l’obéissance… Vouloir le contraindre donne souvent l’effet inverse de celui escompté. Qui n’a pas constaté qu’il accomplissait une tâche beaucoup plus vite du moment que c’était de sa propre volonté…

Le but de tout ça? Cesser de vouloir être parfaits et s’accepter tel que nous sommes avec nos nombreux défauts mais aussi notre multitude de qualités, nous y gagnerons de vivre ce moment avec plus de sérénité…
En ce qui me concerne, me foutre la paix passe beaucoup par le travail. Quand je n’ai pas de rendez-vous, je travaille… Quand j’en ai envie! Et après m’être battue pendant un temps non négligeable avec ma mauvaise conscience, j’ai réalisé que j’étais bien plus efficace et inspirée même si ça pouvait vouloir dire bosser à 21 heures un samedi. Dans la même veine, depuis que j’ai arrêté de me mettre la pression pour faire du sport, j’ai repris une activité physique et j’y prends du plaisir! La différence, c’est que je le fais parce que ça me permet de me sentir bien et pas par devoir ou par obligation.

 

En ces temps compliqués, essayons d’être gentils avec nous-même et de nous préserver. Être gentil avec soi ne veut pas dire être permissif ou laxiste. Être gentil avec soi c’est se traiter comme nous aimerions que les autres nous traitent, avec bienveillance. C’est écouter ses besoins, trouver ce qui nous fait du bien et respecter ses rythmes. Si nous n’avons pas envie de faire (là je vous laisse le choix de l’activité) aujourd’hui et que rien de vital ne dépend de nous… C’est ok, nous ferons demain, voir après-demain.
Notre société de la performance, et même notre éducation, favorisent rarement ce type de comportement et changer les habitudes prend du temps. Mais justement du temps nous en avons, alors pourquoi ne pas commencer maintenant?

Une chose est certaine, je n’aurai pas lu Proust à la fin du confinement mais vous savez quoi… Nous serons beaucoup dans ce cas là! Et si nous sentons que nous perdons pied, que nous ne nous en sortons pas, sachons appeler à l’aide que ce soit des parents, des amis ou un professionnel. Parler est souvent le premier pas vers le soulagement…

Prenons soin de nous.

 

Retrouvez ici l’épisode 2 – 1ère partie : Les émotions