1ère Partie : Les émotions sont nos amies. Si si.

 

Interrogations sur notre avenir, angoisse générale face à la maladie, perte de repères temporels, surcharge d’informations, bouleversement dans nos relations aux autres, imposition de mesures restrictives justes et vitales mais néanmoins contraignantes, difficulté à trouver du sens, altération de nos conditions de vie… Les implications du confinement sont multiples et pèsent autant sur notre vie quotidienne que sur notre état intérieur en générant stress, frustrations et contrariétés.
La charge émotionnelle du moment que nous vivons est considérable et nos émotions peuvent être exacerbées. Avec la suspension de notre vie sociale, il est aussi devenu beaucoup plus difficile de nous distraire de nous-même. Parce que nous avons l’habitude de les laisser de côté et que les circonstances dans lesquelles nous évoluons sont extra-ordinaires et particulièrement stressantes, nos émotions deviennent beaucoup plus présentes et visibles. Et cela a de quoi nous perturber…

Vous êtes angoissé par le fait d’être enfermé ou, au contraire, par l’idée que cette bulle, finalement rassurante, prendra fin? Vous êtes triste sans raison ou votre tristesse vous semble démesurée par rapport à ce qui l’a déclenchée? Vous pleurez pour un rien? Vous vous sentez au bord de l’explosion quand le petit dernier omet de débarrasser son assiette ou que votre conjoint a, encore, oublié de fermer la porte du frigo? Vous avez l’impression que vos états d’âme font des montagnes russes ou que vos idées noires sur l’après ne vous laissent pas tranquilles?

Et bien c’est normal et, croyez-moi, vous n’êtes pas tout seul! J’ai pu constater l’impact du confinement que ce soit sur mes clients, mes proches ou moi-même. Si ma première semaine a été plutôt paisible émotionnellement, je suis ensuite passée par une gamme d’états allant de l’irritabilité à la tristesse (sans oublier la peur!) et ça n’a pas été très confortable…
Il est aussi normal d’être perdu face à des émotions qui nous submergent alors même que nous aurions à peine bronché en temps normal.

Si la période nous est inconnue et que nous ne pouvons pas l’empêcher d’avoir une incidence sur notre vie quotidienne ou intérieure, nous pouvons faire en sorte de nous adapter en nous servant de ce que nous savons déjà et en trouvant nos propres solutions pour traverser ce temps du mieux possible. Peut-être même arriverons-nous à en apprendre quelque chose, qui sait? Mais, pour ça, il y a quand même de fortes chances que nous devions nous préoccuper de nos émotions…

 

 

Les émotions sont utiles (sinon elles n’existeraient pas. CQFD)

 

Même si nous avons souvent l’impression que nos sociétés et notre éducation nous poussent à réfréner ce qui se passe à l’intérieur de nous et que l’on ne peut pas dire que leur expression soit vraiment bien perçue dans le milieu du travail par exemple, les émotions ont bien une fonction. Et elles sont positives. Toutes. Même les plus douloureuses, même les plus désagréables. Ressentir est vital, c’est, entre autres, ce qui fait de nous des humains.

Les émotions sont des réactions ancestrales à une modification de notre environnement. Ces réactions sont d’abord physiologiques (rougissements, suées, tremblements…), sensitives (comme une sensation d’oppression) puis comportementales (envie de fuir, de crier etc.). Elles viennent nous dire quelque chose sur ce que nous sommes en train de vivre et nous permettent d’y réagir. Nous n’aurions pas survécu longtemps en tant qu’espèce si nous n’avions pas ressenti de la peur face aux prédateurs et, ainsi, assuré notre fuite ou utilisé notre colère pour fabriquer des outils nous permettant de nous en débarrasser à la rencontre suivante…
La peur est donc indispensable parce qu’elle nous conduit à la prudence, la colère parce qu’elle nous donne l’énergie nécessaire pour mettre des limites ou faire changer une situation qui ne nous convient pas, la tristesse parce qu’elle nous permet d’assimiler et d’accepter la perte.

Les émotions ont donc un rôle. Alors pourquoi avons-nous si souvent l’impression qu’elles nous empoisonnent la vie?
Tout est une question d’intensité et de cohérence. Soit mon émotion est une réaction adaptée à une situation donnée et je mets en oeuvre une réponse elle-même adaptée : je vois un ours dans mon jardin, je prends peur et, si je n’ai pas envie de mourir prématurément, je mets en oeuvre la réaction qui va bien (je dirais me barricader dans la maison mais n’ayant jamais croisé d’ours je n’en suis pas sûre non plus…). Soit mon émotion n’est pas appropriée à la situation (manifestation excessive, inexistante ou émotion inadéquate). Dans ce cas, elle m’empêche d’avoir un comportement lui même approprié et elle signale quelque chose de plus profond qu’il peut être une bonne chose d’écouter et de chercher à comprendre.

 

 

Pourquoi ça vaut le coup d’écouter nos émotions?

 

Et bien parce que les émotions sont une boussole qui nous permet de nous orienter en nous aidant à nous adapter aux circonstances de la vie et en nous mettant en contact avec nos besoins.

Les émotions agissent comme un signal. Quand elles sont agréables, elles nous indiquent que nos besoins sont satisfaits. Une émotion excessive ou inadéquate nous informe au contraire que ce que nous vivons ne correspond pas à ce dont nous avons besoin. Notre émotion est donc un indice précieux sur ce qui nous manque. Si nous acceptons de l’écouter, nous pouvons identifier notre besoin et faire ce qu’il faut pour y remédier…
Prenons l’exemple d’une mère de famille qui se sentirait au bord de l’explosion nucléaire parce qu’une fois qu’elle a fini de télétravailler, elle se rend compte que son conjoint n’a pas rangé les jouets des enfants comme il s’y était engagé.
En soi, on la comprend… Le problème ici c’est que, si la colère a été provoquée par l’absence de rangement, sa manifestation ne semble pas proportionnée à l’événement déclencheur. Le rangement, quoique nécessaire et agréable, n’est pas un besoin vital et rien n’empêche l’autre de le faire plus tard. Il est probable que sa réaction résulte plutôt d’une accumulation de frustrations et de colères contenues et qu’elle possède une cause plus profonde. L’intensité de l’émotion pourrait être ici le signal, entre autres, de son besoin de considération et d’attention de la part de son conjoint ou d’un besoin, plus général, de se sentir respectée, de pouvoir faire confiance ou d’avoir du temps pour elle. Au final pas grand chose à voir avec des jouets qui trainent…
Si elle parvient à identifier le besoin réel derrière sa colère, par exemple en se demandant ce qui est important pour elle, ou ce qu’elle aimerait vraiment à cet instant, elle pourra mettre des choses en place pour y répondre. Exprimer son besoin de considération à son conjoint et proposer un partage des tâches plus équitable par exemple, s’accorder quotidiennement quelques minutes rien que pour elle en demandant au reste de la famille de respecter son temps d’isolement… Tout ce qui sera susceptible de lui permettre de répondre à ses besoins.

Les émotions excessives ou inadéquates sont donc des messages que nous transmettent à la fois notre corps et notre mental, symptômes d’un manque ou d’un besoin non satisfait. Si nous ne les prenons pas en compte et que nous ne les écoutons pas, nous nous privons d’informations. Elles peuvent devenir nos alliées si nous acceptons de les traverser pour découvrir ce qui se dissimule derrière et identifier ce qui nous manque. A partir de là, nous pourrons mettre des actions en place pour satisfaire nos besoins et vivre plus sereinement

Ah et une autre chose avec les émotions, c’est qu’elles ne nous laissent pas vraiment le choix… Elles sont un peu comme un enfant quand il veut vraiment quelque chose et que vous êtes en plein télétravail… Vous pouvez toujours vous enfermer ou lui dire de se taire autant que vous voudrez, il finira par se faire entendre et presque toujours de manière bien plus forte et désagréable que si vous aviez pris en compte sa demande immédiatement! Pour notre bien être, nous avons donc tout intérêt à nous en occuper dès qu’elles apparaissent et à les exprimer…

Quelle est l’idée ici? Ce n’est pas, bien entendu, de nous dire qu’il faut laisser libre cours à toutes nos émotions sans aucun filtre (la vie en commun pourrait devenir vraiment compliquée!) mais que les réprimer ou les ignorer totalement n’est pas non plus souhaitable : non seulement nous nous privons d’informations sur nos besoins mais tôt ou tard, à retenir ou taire ce que l’on ressent, ça finit par exploser…

 

Conclusion, il nous faut bien faire avec, voir même collaborer, nous n’avons pas vraiment le choix… Du coup comment faire en cas de débordement et, mieux, comment essayer de nous en préserver? C’est ce que nous verrons dans la seconde partie de cet article Comment faire avec nos émotions?

En attendant, prenons soin de nous.

 

Retrouvez ici la seconde partie de l’épisode 2 : Comment faire avec nos émotions?